A Saint-Romain d’Albon, en cette fin janvier 1912, un bel aréopage de personnalités se retrouve réuni à l’hôtel Girard, autour du maire, Fernand Baboin, de son adjoint, Cyriaque Genthon, et des conseillers municipaux de la commune, afin de dignement fêter, fourchettes et verres en mains, l’arrivée, non tant de la « lumière » – Fernand Baboin, l’un des plus ardents propagandistes de l’instruction publique et de l’accès populaire à la culture sur le canton de Saint-Vallier, y déploie son énergie depuis près d’un demi-siècle -, que de son véhicule moderne, l’éclairage électrique, au village de Saint-Romain.
Le conseil municipal d’Albon, en effet, a conclu une convention avec l’ingénieur civil grenoblois Mertz, qui concède à celuici l’alimentation en énergie électrique de la commune, à la fois la distribution du courant électrique aux particuliers et la fourniture de l’éclairage public dans le village, pour la concrétisation de laquelle le maire et l’ingénieur Mertz signeront bientôt un traité de gré à gré. Cet événement constitue, indéniablement, une avancée « large et belle » dans « la voie du progrès », comme le souligne, en ce jour de fête, le président du Conseil général, Ernest Lajard, venu en voisin de sa commune d’Andancette, cependant que l’avocat Charles Rivière, ancien conseiller municipal de Lyon et enfant du pays, sous la présidence de qui la journée a été placée, saluera ce beau moment tout consacré à la célébration des « idées nouvelles et de progrès ».
Après ces belles paroles, les participants aux agapes ne manqueront pas de sacrifier aux rituelles chansons de fin de banquet, le secrétaire de mairie, Marcel Pérouse, se taillant, quant à lui, un beau succès en lisant une pièce en vers. Les réjouissances populaires se poursuivront, plus avant dans l’après-midi, avec un concert de la Lyre d’Albon, et, en soirée, par un bal public « plein d’entrain », comme l’a noté le correspondant du Journal de Valence qui a rapporté ce précieux moment. Ces festivités couronnaient – on l’aura noté – ce qui s’avérait seulement la première partie du programme de l’alimentation électrique de la commune d’Albon, à savoir la fourniture de l’électricité au seul village de Saint-Romain, première étape d’une illumination générale fort attendue.
Le maire Baboin – d’autant plus qu’on était à quelques mois des élections municipales – s’est fait un devoir de le rappeler : au nom du principe voulant que tous « les habitants d’une commune sont solidaires devant l’impôt », on ne manquerait pas d’amener demain « l’électricité à Saint-Martin et dans tous les vieux hameaux » !
Promesse qui fut tenue, bien sûr, mais prit un certain temps pour se réaliser… Car si Fernand Baboin put, de justesse, être témoin du scintillement de l’ultime ampoule de 110 volts s’en étant allée éclairer le foyer le plus écarté de la localité, il le dut à sa remarquable longévité, qui lui fit quitter le monde des vivants à l’âge respectable de 88 ans, en 1936. Soit deux ans après que l’un de ses successeurs à la mairie, Henri Berthon, eut signé, le 27 août 1934, avec Pierre Durand, président du conseil d’administration de L’Energie Industrielle – société qui avait repris les activités du fournisseur Mertz -, une convention par laquelle, aux termes du cahier des charges de la concession établi le 10 décembre 1920, l’entreprise recevait commande d’achever la distribution électrique sur la localité albonnaise, en assurant l’alimentation des « hameaux et écarts non encore desservis ».
Freddy Martin-Rosset